La mode, y compris sportive, a aujourd’hui un impact environnemental considérable. Une mode éthique voit peu à peu le jour en proposant des produits l’impact social et environnemental réduit. Et parallèlement, le marché des vêtements d’occasion prend de l’essor notamment via les plateformes de revente en ligne.
Comment choisir des produits issus de l’industrie de la mode qui soient plus respectueux des humain·e·s et de la planète ? Une mode sportive plus éthique est-elle possible ou est-ce le modèle de la fast-fashion qui prédomine ? L’achat de vêtements d’occasion est-il la solution idéale pour réduire notre impact environnemental lié à la mode (sportive) ?
L’impact environnemental et social de la mode
L’énorme impact environnemental de la mode…
La mode est l’une des industries les plus polluantes au monde. Elle contribue pleinement à l’épuisement des ressources planétaires, aux dérèglements climatiques, à la pollution des eaux, etc. Car quand on parle d’industrie de la mode, on parle :
- De la production de matières premières (synthétiques, végétales ou animales) nécessaires aux étapes de fabrication / transformation de nos vêtements
- De l’utilisation de l’eau (4% de l’eau potable disponible dans le monde utilisée chaque année)((https://ellenmacarthurfoundation.org/a-new-textiles-economy)) et de sa pollution
- Du transport de nos vêtements (environ 65 000 km pour un jean conventionnel avant d’être porté)((https://www.1083.fr/projet))
- D’autres phases comme l’entretien de nos vêtements, parfois leur gaspillage et la gestion de leur fin de vie. Aujourd’hui, moins de 1% des tissus qui composent nos vêtements sont recyclés((https://www.newsweek.com/2016/09/09/old-clothes-fashion-waste-crisis-494824.html)).
Ces différentes étapes contribuent à alourdir le bilan environnemental de la mode.
Ainsi, si le modèle de la mode n’évolue pas, le secteur textile pourrait émettre 26% des émissions de gaz à effet de serre mondiales d’ici 2050.((https://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/))
… Et l’écœurant impact social qu’elle dissimule…
Mais la mode c’est aussi un désastre social illustrant parfaitement l’esclavagisme moderne((https://www.oxfamfrance.org/ebooks/fast-fashion-et-mode-ethique/)). Des enfants et des employé·e·s, particulièrement des femmes, exploité·e·s((https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@ed_norm/@ipec/documents/publication/wcms_797515.pdf)), en situations précaires et exposé·e·s à des produits nocifs((https://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/)). Des conditions de travail déplorables et bien souvent dénoncées publiquement.
Les vêtements issus de la fast-fashion posent des problèmes à l’étranger. En effet, faute de qualité, ils sont rapidement donnés et s’entassent notamment en Afrique. C’est toujours plus facile de déplacer le problème ! Par ailleurs, la fast-fashion exploite des ouvriers partout dans le monde, déverse des produits toxiques dans la nature, créé du chômage, de la concurrence déloyale et met en péril la filière du tri en France.((https://la-mode-a-l-envers.loom.fr/barbara-pompili-empechez-lafrique-de-devenir-une-poubelle-pour-nos-vetements/))
Mode sportive, fast-fashion et impact environnemental
Pourquoi s’intéresser à la mode sportive ? Peut-être parce qu’à l’instar de la fast-fashion, elle incarne parfois le modèle d’une mode jetable, désastreuse sur le plan environnemental, mais aussi social. Et si les impacts environnementaux du sport, particulièrement de haut niveau, dépassent très largement ceux de la mode sportive, il est évident que l’industrie textile sportive doit elle aussi faire sa part.
Car en effet, les grandes marques populaires sont polluantes. Et elle le resteront tant que leur modèle restera celui de la fast-fashion.((https://www.greenpeace.ch/fr/story-fr/23782/detox-nike-ou-adidas-lequel-produira-des-articles-de-sport-de-maniere-durable/))
Depuis 2002, nous achetons environ 60% de vêtements en plus en moyenne, que l’on garde deux fois moins longtemps.((https://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-consommation-responsable/)). Ce modèle d’une mode jetable n’est pas durable mais reste celui des marques les plus populaires. Il est urgent de créer un nouveau modèle qui nous incite à garder et à faire durer nos vêtements. Et seulement quand ils ne servent plus (dans l’idéal jamais), il est envisageable de les revendre, échanger ou donner. Mais tout ce processus nécessite que les vêtements soient initialement de bonne qualité. C’est-à-dire tout l’inverse d’un business model reposant sur la croissance du PIB de l’entreprise et la vente excessive de biens.
Ce modèle, c’est celui du « Moins mais mieux » comme chez Loom dont on a déjà parlé sur ce blog. Mais soyons réalistes, ce modèle n’existera que si l’entreprise en question n’est pas aux mains de financements extérieurs et intéressés. En effet, pas de mode éthique sans financement éthique !((https://la-mode-a-l-envers.loom.fr/fashion-green-days-2019/))
Acheter ses vêtements d’occasion, une solution pour réduire son impact environnemental lié à la mode ?
Même en mode éthique, la phase de production d’un vêtement neuf reste l’impact environnemental principal
Rappelons que peu importe les moyens de production, aussi éthiques soient ils, l’impact environnemental d’un vêtement est surtout lié à sa production (matières premières + confection). Une mode éthique et éco-responsable réduira l’impact global, mais la part liée à la production restera majoritaire.
Ainsi, l’achat de vêtements de seconde main semble être une solution pour réduire notre impact environnemental lié à la mode. Et en effet, s’équiper de vêtements d’occasion permettrait de réduire notre empreinte carbone moyenne d’environ 500 kg CO2eq / an.((https://nosgestesclimat.fr/actions/plus/divers/textile/seconde-main))
Acheter ses vêtements d’occasion permet-il réellement de réduire l’impact environnemental de la mode ?
Comme bien souvent le problème est plus complexe. S’arrêter à un résultat brut représentant une moyenne ne permet pas de comprendre la totalité du problème. Il faut élargir la question à l’impact global de la mode, bien au-delà de nos actions individuelles.
Car en effet, « si vous vendez/achetez de la seconde main sans que cela ne vous empêche d’acheter des produits neufs, alors cela n’a aucun impact [sur l’environnement]« , avertit Michael Sadowski, chercheur au World Resources Institute.((https://www.marieclaire.fr/revendre-vetements-ecologie,1339746.asp)) Et pour cause, si la vente d’un vêtement usé est réalisée pour contribuer à l’achat d’un neuf, cela ne va en aucun cas réduire l’empreinte environnementale de l’industrie de la mode. La revente de vêtement étant devenue un réel marché, elle alimente la consommation excessive propagée par l’industrie du prêt-à-porter. Finalement, les plateformes de vide-dressing et les enseignes de fast-fashion reposent toutes deux sur un renouvellement perpétuel de vêtements distribués par une industrie de masse.
D’ailleurs, cette analyse peut très largement s’étendre à l’ensemble des consommations d’occasion, au-delà des vêtements. Une étude de l’ADEME confirme d’ailleurs qu’une majorité des acheteurs d’occasions, utilisent ce marché en parallèle du marché du neuf pour augmenter leur potentiel de consommation.
Et cette analyse se confirme auprès des utilisateurs des plateformes de reventes de vêtements d’occasion. En effet, « près 70 % des utilisateurs revendraient en seconde main pour augmenter leur pouvoir d’achat sur le marché de la première main« .((https://www.wedemain.fr/dechiffrer/vinted-leboncoin-la-seconde-main-est-elle-vraiment-plus-ecolo-que-la-fast-fashion/)) Un modèle de consommation s’aparentant à celui du « capitalisme responsable »((https://www.novethic.fr/actualite/social/consommation/isr-rse/fanny-parise-anthropologue-la-consommation-responsable-est-un-alibi-de-l-hyperconsommation-150871.html)) identifié par l’anthropologue Fanny Parise.
Si l’achat d’un vêtement d’occasion ne ralentit pas le marché de la fast-fashion, alors il ne réduit pas l’impact environnemental de la mode
Finalement, le modèle de la fast-fashion reste prédominant sur le marché de l’industrie textile. Et son omniprésence pose de gros problèmes et des limites dans l’achat de seconde main. Et par ailleurs aussi dans l’évolution des possibilités de recyclage du textile.((https://www.newsweek.com/2016/09/09/old-clothes-fashion-waste-crisis-494824.html))
La mode d’occasion ne peut être considérée comme la solution pour réduire notre impact environnemental lié à la mode. Son modèle repose encore aujourd’hui sur celui de la fast-fashion. Elle ne pourra donc pas atteindre les objectifs écologiques et éthiques qu’elle se prétend défendre. Il est encore une fois essentiel de bien comprendre que pour réduire nos impacts environnementaux, il faut consommer beaucoup moins.
Malgré tout, pour trouver des vêtements d’occasion qui défendent de vraies valeurs, des solutions existent. En physique, rendez-vous dans les boutiques Oxfam ou dans des friperies de qualité (toutes les friperies nantaises ici). Et sur internet, pour les perles du vintage choisissez Jaiio ou CrushON. N’oublions pas de bien sélectionner nos articles, pour qu’ils durent le plus longtemps possible.
Patagonia, un modèle de mode éthique sportive
Quelle marque demande à ses clients de ne pas acheter ses vêtements ?
Oui vous avez bien lu. Un magasin de vêtements qui incite à ne pas consommer, c’est un peu incroyable et pourtant Patagonia l’a fait.
S’il devait exister un classement des marques de mode éthique sportive, Patagonia serait sans aucune alternative possible à la première place du podium. Parce que l’entreprise est pionnière de la mode éthique depuis des années :
- Des vêtements ultra-durables
- Un programme de responsabilité environnementale et de bien-être animal
- Un programme de responsabilité sociale offrant des conditions de travail sûres, équitables, légales et humaines
- De l’activisme auprès de nombreuses associations environnementales et sociales
- Une recherche constante d’amélioration
- La réparation des vêtements
- …
C’est tout un modèle socio-économique qui anime cette entreprise, offrant ainsi sans doute la solution la plus éthique d’équipements outdoor. Mais bien évidemment, toutes ces valeurs ont un prix. Ce qui fait de Patagonia une marque chère par rapport à d’autres. Mais si cela permet de conserver nos vêtements 3 fois plus longtemps et d’en avoir 4 fois moins, ça vaut peut-être le coup.
Tout comme la marque, faisons un petit rappel : on n’achète pas par plaisir mais par nécessité ! Ce n’est pas parce que vous êtes convaincus de l’éthique de la marque qu’il faut s’autoriser à acheter leurs produits parce que « c’est Patagonia, c’est éthique, j’ai le droit ». Le message à retenir c’est : on consomme moins et mieux, on garde le plus longtemps possible, on répare et on recycle.
D’ailleurs, pour faire réparer ou réparer vous-même vos vêtements outdoor, Patagonia propose un service de réparation et d’aide à la réparation pour les produits de la marque. Et pour toutes les autres marques, je vous conseille Goodloop.
Des alternatives de mode éthique sportive
Il est toujours difficile de s’y retrouver parmi les multiples marques éthiques. Lesquelles suivent vraiment leurs engagements ? Et les gardent au fil du temps ? Vaut-il mieux acheter un tee-shirt en coton BIO ou en nylon recyclé ?
Avant de se poser ces questions, rappelons que la priorité à se mettre en tête c’est de consommer moins de vêtements. Mais si le besoin est réel et réfléchi, et que vous vous tournez vers une marque éthique pour votre achat, on peut d’ores et déjà dire que vous avez fait « votre part ». Le reste n’est pas nécessairement entre nos mains. Ou pas simplement à échelle individuelle, mais implique sans doute un changement de règles et de système.
Malgré tout, voici quelques marques qui nous semblent porteuses de valeurs et qui proposent des alternatives éthiques et durables. Il en existe sans doute plein d’autres. Le but est simplement de montrer que les alternatives existent face aux géants de la production vestimentaire sportive.
Pour les runnings
Très engagée dans la basket (de ville), Veja a été précurseur d’une fabrication responsable et privilégiant des matériaux recyclés ou d’origines naturelles. La marque, très transparente dans ses engagements, propose notamment des runnings pour tou·te·s les amoureux·ses de la course à pied. Et sinon, vous trouverez tout votre bonheur par ici.
Pour les basiques respirants
Les basiques respirants sont souvent fabriqués à partir de polyester, donc de plastique et donc de pétrole. Une fabrication qui renforce notre dépendance aux énergies fossiles, encourage la fast-fashion, laisse échapper des microplastiques dans l’environnement… Il est bien sûr possible de concevoir des vêtements avec du plastique recyclé, issu des bouteilles ou déchets que l’on retrouve dans les océans. Malgré tout, le recyclage reste énergivore et n’a de sens que s’il va de paire avec une réduction de la production. Si vous voulez tout comprendre sur les effets néfastes du polyester qu’il soit recyclé ou non, je vous conseille cet excellent article de LOOM. Vous comprendrez alors, qu’un vêtement conçu avec du polyester recyclé n’a finalement un impact carbone que de 13% inférieur au même vêtement conçu avec du polyester vierge.((https://la-mode-a-l-envers.loom.fr/le-polyester-recycle-cet-ecran-de-fumee/)) De quoi faire taire n’importe quel climatosceptique qui vous dirait que Shein fait des efforts en produisant des vêtements issus de plastique recyclé.
Malgré tout, on sait que se tourner vers des matières plus nobles n’est pas toujours facile pour les marques de vêtements. Et il faut bien avouer que dans le domaine sportif, les dérivés du plastique ont des propriétés appréciables (durabilité, respirabilité, etc.)
Des basiques peuvent être conçus à partir de matières d’origines naturelles et / ou ayant moins d’impact sur la planète. Des marques comme Circle Sportwear, Spiridon, NOSC, The Fair Sport et même Hopaal ont fait le choix de s’engager vers ces productions plus responsables.
Pour toutes les matières dérivées du plastique, n’oubliez pas de les laver dans un sac Guppy Friend. Il permettra de limiter les impacts négatifs des micro-plastiques sur les océans.
Pour les basiques confortables et la liberté de mouvement
Fabriqués à partir de matières recyclées ou de composants certifiés comme le coton, les basiques confortables offrant une grande liberté de mouvement sont idéaux pour le yoga, le Pilates, la musculation d’entretien, etc. Autant de pratiques possibles que de vêtements techniques à concevoir. Des marques comme Hopaïa, Les Actives, Ecoalf, Kitiwaké, Organic Basics, Dear Dennier, ou encore Luz Collections s’engagent dans des démarches de conception responsables.
Pour les vêtements techniques outdoor
Ces vêtements souvent très techniques sont complexes à concevoir. Afin de répondre aux exigences de leurs milieux de pratique, ils doivent respecter des critères de technicité et de durabilité. Patagonia n’est pas la seule marque à concevoir de tels vêtements éthiquement. De nombreuses marques dont la réputation n’est plus à faire suivent de vrais engagements en ce sens et ont surtout déjà fait leur preuve en terme de durabilité. Pour les trouver, rendez-vous dans un magasin ou sur le site Au Vieux Campeur. Cette enseigne spécialisée sélectionne des produits hauts de gamme et très techniques.
Et pour encourager de plus petites productions européennes, Ogarun propose des couches techniques en laine mérinos conçues en France. Dans la même lignée, Lagoped propose un large choix de vêtements outdoor.
Mode éthique sportive d’occasion ?
Si vous avez atteint ce chapitre, bravo ! Vous avez compris qu’acheter d’occasion ses vêtements (de sport) n’est pas la condition unique pour réduire son impact environnemental lié à la mode. En effet, il est aussi nécessaire de diminuer sa consommation de vêtements et de les faire durer dans le temps.
Est-il alors possible, dans le cas d’un achat réfléchi, de trouver des vêtements de sport d’occasion et de qualité ?
Mode sportive d’occasion en ligne
Quand Vinted et Le Bon Coin ne font pas l’affaire, mieux vaut se tourner vers les sites spécialisés. Majoritairement orientés sur les activités outdoor Barooders, Camsider et Everide proposent des articles de sport d’occasion. Parfois, certaines marques pas très qualitatives sont proposées à la vente. Mais à nous de faire les bons choix en fonction du besoin et des moyens ! Et sur ces sites, pas seulement des vêtements, mais aussi des équipements sportifs.
Mode sportive d’occasion en boutique
À Nantes, l’association SupporTerre fait un excellent travail en fournissant des vêtements et petits équipements sportifs à moindre prix. Faisant partie des Ressourceries®, elle repose sur des dons. Des basiques à gogo et parfois quelques pépites à dénicher !
D’autres modèles identifiques ailleurs en France :
- à Rennes avec L’équipière35
- à Rochefort avec La Collective
- à Lille avec ReSport
- et dans de nombreuses autres villes avec le réseau la Recyclerie Sportive.
Pour conclure sur la mode éthique (sportive), son impact environnemental et les vêtements d’occasion
Concevoir une consommation de mode (sportive) éthique est aujourd’hui nécessaire et urgent. La consommation vestimentaire peut fortement peser dans nos impacts environnementaux. Pour en prendre conscience, rien de tel que de simuler son empreinte carbone individuelle. Cette simulation permet de prendre conscience de notre impact climatique. Et même si elle se limite aux émissions de GES, elle donne les ordres de grandeur permettant de prendre conscience de notre impact.
Considérer que d’acheter nos vêtements d’occasion permettra de résoudre le problème de l’impact environnemental de la mode est un raccourci très dangereux. Comme bien souvent, le problème est plus complexe et nécessite de remettre en question le système tout entier. C’est d’ailleurs l’objectif du collectif En Mode Climat qui milite pour légiférer l’industrie de la mode et ainsi réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
En attendant, consommons (beaucoup) moins, consommons mieux, gardons, réparons et recyclons nos vêtements quand cela est possible. Et encourageons les acteurs·trices qui ont décidé de s’engager pour proposer une mode sportive éthique et durable, qu’elle soit d’occasion ou non.
Cet article abordant la mode, particulièrement sportive, met en avant de nombreuses marques / modèles. Si jamais vous en connaissez d’autres, n’hésitez pas à les indiquer en commentaires. Si vous connaissez ces marques et que vous n’êtes pas du tout d’accord avec leurs valeurs parce que vous estimez que leurs produits ne sont pas qualitatifs, indiquez-le aussi en commentaire. Et si l’article et les solutions proposées vous ont plu, partagez-le autour de vous, c’est gratuit, sans contrepartie et écrit en toute indépendance 💚