Avion, impact environnemental et justice climatique

À l’heure où la question de l’urgence climatique et environnementale nous incite à réduire de toutes parts notre impact sur la planète, peut-on encore prendre l’avion ? Pourtant fortement utilisé aujourd’hui, ce mode de déplacement pose la question d’une justice climatique.

L’année 2022 démarre et nous projetons nos prochaines envies de voyages. La Grèce et ses eaux turquoises. L’Islande et ses paysages lunaires… Et pourquoi pas l’Australie ?! Ça fait rêver ! Mais est-ce que ce rêve, nécessairement dépendant d’un vol en avion, est-il bien raisonnable ?

L’avion, l’avion, l’avion, ça fait lever l’CO2 !

Le problème fondamental de l’avion aujourd’hui c’est celui du climat. Car un voyage en avion émet énormément de CO2, l’un des principal gaz à effet de serre (GES). A l’échelle nationale, le trafic aérien représente ainsi près de 5% des émissions de CO2.((https://www.bl-evolution.com/Docs/200721_Etude-BLevolution_Climat-Aviation.pdf))

Certains diront que 5% c’est peu, et que la voiture a beaucoup plus d’impact. Cela est vrai mais ne signifie absolument pas qu’il faille se désintéresser du trafic aérien. Qui plus est quand la comptabilité carbone nous prouve ici ses limites. En effet, doit-on uniquement considérer les émissions de CO2 ? Ou celle de l’ensemble des GES émis lors d’un vol ? Les émissions comptabilisées seraient alors doublées.((https://www.carbonbrief.org/explainer-challenge-tackling-aviations-non-co2-emissions)) Et comment comptabiliser les émissions liées aux vols extérieurs ? Seulement ceux qui quittent la France ou tous les vols même entrants ?

Ainsi, en fonction du filtre d’analyse, il est difficile de comptabiliser les émissions liées à l’aviation. Pour la partie vol uniquement, elles s’étendraient alors entre 1,2% et 16,5% des émissions nationales.((https://www.bl-evolution.com/Docs/200721_Etude-BLevolution_Climat-Aviation.pdf)) Et 1,2%, en ne considérant que le CO2 et que les vols intérieurs, ça s’appelle de la mauvaise foi si vous voulez mon avis… En considérant que les émissions sont partagées entre les pays responsables, on atteindrait finalement 7,3% des émissions françaises.((https://www.bl-evolution.com/Docs/200721_Etude-BLevolution_Climat-Aviation.pdf)) Un résultat qui resterait d’ailleurs sous-évalué.((https://www.bl-evolution.com/Docs/200721_Etude-BLevolution_Climat-Aviation.pdf))

Poids du secteur aérien pour les émissions de GES françaises en fonction de l’approche d’analyse retenue.((https://www.bl-evolution.com/Docs/200721_Etude-BLevolution_Climat-Aviation.pdf))

Évolution du trafic aérien et limites technologiques

L’évolution du trafic aérien n’est pas encourageante puisqu’elle suit une augmentation d’environ 2,7% d’utilisation par an depuis une vingtaine d’années.((https://www.bl-evolution.com/Docs/200721_Etude-BLevolution_Climat-Aviation.pdf)) Entre 2016 et 2018, la hausse a même atteint 10%, avant de ralentir du fait de la pandémie.((https://www.bl-evolution.com/Docs/200721_Etude-BLevolution_Climat-Aviation.pdf))

Mais alors peut-être qu’une technologie salvatrice permettra de rendre l’avion plus “vert” ? En utilisant des “énergies propres” ? En augmentant l’efficacité des appareils ? Leur taux de remplissage ? Et bien mauvaise nouvelle : NON ça n’arrivera pas. En effet, en conservant son état de croissance et même lors de scénarios utopiques, il est impossible d’envisager une évolution positive du secteur aérien en faveur du climat. Et ce même en concentrant tous les efforts nationaux pour aller vers son amélioration (au détriment d’autres secteurs essentiels).((https://www.bl-evolution.com/Docs/200721_Etude-BLevolution_Climat-Aviation.pdf))((https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2021/03/Pouvoir-voler-en-2050_Shift-Project_Synthese.pdf)) Le secteur aéronautique connaît en effet une forme de “limite technico-industrielle, qui ne sera vraisemblablement pas dépassée.”((https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2020/06/2020-05-27_Pr%C3%A9parer-lavenir-de-laviation_Propositions-de-contreparties.._.pdf))

Avion, objectifs climatiques et ordre de grandeur

Rappelons que les objectifs des accords de Paris sont de réduire drastiquement les émissions de GES nationales. Et malheureusement, “il est évident que dans une France qui aura divisé ses émissions de gaz à effet de serre par 4, il n’y aura plus d’avion – on ne peut pas y arriver si on conserve le transport aérien. De nombreuses questions de ce type se posent. Le fait qu’il y ait encore ce genre de débats montre bien que l’on n’a pas réalisé ce que veut dire diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre.“(François-Marie Bréon, physicien-climatologue et auteur du cinquième rapport du GIEC, Assemble Nationale, Juillet 2019)((https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cetransene/l15cetransene1819051_compte-rendu#))

Ainsi, si l’on croise l’évolution du trafic aérien et nos objectifs de réduction de GES, il est alors évident que nous ne pourrons atteindre nos objectifs qu’à la condition de réduire drastiquement le nombre de passagers en vol. En effet, “cela ne peut se faire qu’en envisageant une décroissance du nombre de passagers, du nombre de mouvements et donc du nombre d’avions produits.”((https://www.bl-evolution.com/Docs/200721_Etude-BLevolution_Climat-Aviation.pdf)) Pour un ordre de grandeur, il faudrait diviser par 2 le nombre de passagers d’ici 10 à 20 ans pour espérer rester sous 2°C de réchauffement climatique.((https://www.bl-evolution.com/Docs/200721_Etude-BLevolution_Climat-Aviation.pdf))

Encore une fois, nos actions individuelles comptent beaucoup. Elles seront nécessaires pour déclencher la baisse du trafic aérien afin de conserver une planète habitable pour tou.te.s. Si cette perspective n’est pas réjouissante, elle devra être associée à des actions sociales fortes pour accompagner la décroissance du trafic aérien.

Réduire son impact environnemental c’est ne pas (plus) prendre l’avion

L’empreinte carbone d’un français s’élève à environ 12 tonnes équivalent CO2 / an.((https://ravijen.fr/?p=440)) Afin de limiter le réchauffement climatique à 2°C, nous devons cantonner cette empreinte à 2 tonnes eqCO2 / personne / an.

Une simple simulation d’empreinte carbone permet tout d’abord de se prendre une bonne claque. Puis de comprendre que nos modes de vie doivent évoluer. Rapidement, la réflexion nous incite à faire des choix au quotidien et à revoir l’ordre de nos priorités (comme Hermione !).

Et la question à se poser c’est bien de savoir si prendre l’avion est une priorité ? Quand 75% des vols sont effectués pour des raisons d’ordre privé((https://docplayer.fr/9631054-L-avion-des-voyages-toujours-plus-nombreux-et-plus-lointains.html)), la question est bien de savoir si ces 3 jours à New-York sont raisonnables ?

Spoiler alerte : la réponse est NON ! Non il n’est pas indispensable d’avoir visité 48 pays dans sa vie pour être heureux. Non ce n’est pas raisonnable de se faire un aller-retour à Dubaï le temps d’un week-end. Par contre vivre sur une planète sans dépasser 2°C de réchauffement climatique ça oui c’est important ! Il devient urgent de déconstruire notre rapport aux distances et à ce qu’il est nécessaire de faire pour être heureux.

Si la comptabilité carbone à grande échelle prouve parfois ses limites, elle est par contre très fiable quand il s’agit de comprendre les ordres de grandeur. Et le vol Paris – New-York c’est déjà plus que le budget carbone de l’année désolé… !

Et malheureusement, aucune compensation carbone ou baobab planté ne viendra contrebalancer l’impact environnemental d’un vol. Il est essentiel d’en prendre conscience et de l’accepter. Afin de prendre pleinement conscience des ordres de grandeur, vous pouvez utiliser un simulateur comme celui de Climat Mundi. Pour une comparaison avec d’autres moyens de transport, le calculateur Mon Impact Transport de l’ADEME fera l’affaire.

Impact environnemental de l’avion et justice climatique

L’impact environnemental de l’avion n’est aujourd’hui plus contestable ni à remettre en question. Il est clair que nous devons diminuer notre recours au trafic aérien. Face à ce constat, chacun doit prendre ses responsabilités. Mais, au regard de la fréquentation des avions, nous devons conserver un principe fort de justice climatique.

En effet, l’avion reste un moyen de transport pour privilégiés puisque seulement 10% de la population mondiale l’utilise chaque année.((https://www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/01/7-milliards-en-avion_1596821_3232.html)) Et bien évidemment, ce sont les plus riches qui y accèdent le plus. “En 2018, 1% de la population mondiale était responsable de 50% des émissions de l’aviation”.((https://www.theguardian.com/business/2020/nov/17/people-cause-global-aviation-emissions-study-covid-19)) L’avion est un moyen de transport largement réservé aux catégories socio-professionnelles les plus élevées.

L’avion et impact environnemental, une affaire de justice sociale et climatique ?((https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2021/03/Pouvoir-voler-en-2050_Shift-Project_Synthese.pdf))

L’avion est l’illustration parfaite de l’injustice climatique et sociale. En effet, il est assez facile à deviner que consommation et richesse vont de paire. D’une manière générale, plus on est riche, plus on pollue. Et c’est particulièrement vrai dans le domaine des transports qui devient plus polluant pour les plus aisés.

Empreinte carbone des européens en fonction de la répartition des richesses. Ou comment l’avion et son impact environnemental posent la question d’une certaine justice climatique ?((https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/F1ED4F705AF1C6C1FCAD477398353DC2/S2059479820000125a.pdf/unequal_distribution_of_household_carbon_footprints_in_europe_and_its_link_to_sustainability.pdf))

Afin de respecter les accords de Paris et limiter le réchauffement climatique, l’empreinte carbone des français doit diminuer. L’objectif de 2 tonnes eqCO2 est une réalité pour tous. C’est une affaire de justice climatique et sociale de faire en sorte que l’impact environnemental de l’avion ne soit pas la conséquence des actes d’une minorité. Surtout que ce sont les populations les moins aisées qui seront les premières à subir les conséquences du changement climatique.

Avion, impact environnemental individuel et choix citoyens

L’urgence climatique est là, il n’y a plus à en douter. L’avion est un problème majeur du changement climatique car il est aujourd’hui inscrit dans nos habitudes de société. Le trafic aérien se présente alors comme un problème à la fois environnemental et social.

En tant que citoyen nous devons fortement limiter notre impact environnemental. Ainsi, le choix de ne pas prendre l’avion est une action particulièrement forte et à encourager. Mais la réponse peut parfois être plus complexe. Il faut donc tout faire pour ne pas prendre l’avion, en privilégiant d’autres moyens de transports moins polluants. Cela ne veut pas dire qu’il faut se priver du voyage de sa vie. Ou s’interdire d’aller voir sa famille qui vit au Canada et qu’on n’a pas vu depuis 4 ans. Il faut simplement savoir ce que cela implique en terme d’impact environnemental. En être conscient et revoir son rapport au voyage. Débranchons Instagram et ces influenceurs qui nous font croire qu’on ne peut pas vivre heureux sans voir le top 15 des plus beaux endroits sur Terre. C’est essentiel, nous devons reconstruire un nouvel imaginaire qui doit combiner le moins et le mieux.

Et concernant les questions de justice sociale et climatique, c’est à la politique de s’en saisir ! Et à nous de lui faire comprendre que c’est ce qu’on veut pour le bien de tou·te·s.

Cet article doit émettre de l’ordre de quelques grammes eqCO2. Ce doit être environ un million de fois moins impactant qu’un vol en avion pour traverser la France. Alors plutôt que de partager les prochaines promotions d’une compagnie lowcost, partage cet article ! 💚

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