L’alimentation est une part non négligeable de nos impacts environnementaux. L’agriculture certifiée BIO est un levier d’action pour réduire notre empreinte environnementale liée à l’alimentation. Mais vers quel(s) label(s) se tourner et à quelle(s) conditions un modèle alimentaire BIO est-il réellement bénéfique pour l’environnement ?
Après de multiples discussions échangées ou entendues autour de la question du BIO, l’heure est venu de traiter le sujet. Mais pas une fois pour toutes. En effet, c’est une thématique au moins aussi complexe que l’explication de la fin d’Interstellar… Ce qui compte, comme d’habitude, c’est sa cohérence.
Agriculture bio, conventionnelle, durable, un sujet complexe
Avant d’aborder l’agriculture biologique, il est essentiel de la situer parmi les différents modes d’agriculture présents aujourd’hui. L’agriculture est sans doute l’un des sujets les plus complexes quand on aborde les questions écologiques et environnementales. Elle concentre de nombreux domaines : biodiversité, climat, préservation des sols, utilisation et pollution d’eau douce, impacts des engrais azotés… Mais elle est aussi indissociable du transport, de la technologie, de l’industrie, etc.
Aujourd’hui l’agriculture BIO ne représente que 8,5% des surfaces agricoles en France((https://agriculture.gouv.fr/infographie-lagriculture-biologique-en-france)). En effet, elle existe en parallèle d’autres modes agricoles. Agriculture conventionnelle (raisonnée / intensive), de conservation des sols, intégrée, permaculture… Les modèles sont nombreux et leurs impacts environnementaux, sur les sols, la biodiversité ou le climat diffèrent.
Aborder la question de l’agriculture de demain, c’est ainsi se poser la question de l’alimentation que l’on veut encourager. C’est un arbitrage à réaliser pour défendre certaines valeurs environnementales comme le climat, la conservation des sols, la biodiversité…
Agriculture conventionnelle, bio et impact environnemental
En France, l’agriculture occupe 55 % du territoire national.((https://www.ademe.fr/expertises/produire-autrement/production-agricole/chiffres-cles-observations)) A l’échelle mondiale, l’agriculture (cultures et pâturages) occupe près de 60% des terres émergées libres de glace.((https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/4/2020/06/SRCCL_SPM_fr.pdf)) Une telle importance de l’agriculture implique bien évidemment un impact environnemental fort de sa part.
Agriculture BIO et gaz à effet de serre
De 2007 à 2016, l’agriculture représentait 23% des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales. Ces émissions étant principalement dues au méthane (CH4), à l’azote (N2O) et au CO2. Une agriculture BIO qui limite les intrants (engrais azotés) peut ainsi être moins émissive qu’une agriculture conventionnelle. Ce bénéfice pouvant atteindre 36% d’émissions en moins.((https://www.fibl.org/fileadmin/documents/fr/rapport-activite/report-d-activite2018.pdf))
Agriculture BIO, biodiversité, exploitation des sols et utilisation d’eau
Outre les GES, l’agriculture contribue à détruire les sols, les forêts, le vivant et induit une utilisation excessive d’eau douce. Les modèles agricoles actuels contribuent pleinement à détruire et appauvrir les sols. Des aspects judicieux à considérer afin d’éviter une destruction de la biodiversité et une baisse des rendements agricoles. Une évolution qui serait d’ailleurs en parfaite contradiction avec une augmentation de la population mondiale. Pour autant, l’agriculture BIO n’intègre pas obligatoirement ces précautions. En effet, elles ne font pas nécessairement partie de son cahier des charges.
Malgré tout, une agriculture BIO peut permettre des bénéfices pour le climat((https://www.fibl.org/fileadmin/documents/fr/rapport-activite/report-d-activite2018.pdf)), la biodiversité et la santé.((https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-02120094/document))((https://presse.inserm.fr/moins-de-cancers-chez-les-consommateurs-daliments-bio/32820/)) Et ce, tout en limitant la pollution des sols et de l’eau. Ces bénéfices restent bien évidemment à nuancer. Ils dépendent notamment des précautions mises en œuvre par l’agriculture BIO en question. Mais aussi d’autres dimensions plus éloignées comme nos habitudes de consommation (régime alimentaire, gaspillage alimentaire…)
Agriculture BIO, modes de production, labels et limites
Actuellement, c’est une certification qui reconnaît l’agriculture biologique. Elle implique le respect d’un certain nombre de règles à l’agriculture reconnue biologique.
Ainsi, l’agriculture BIO végétale se doit d’utiliser des semences certifiés BIO et sans OGM. Des auxiliaires naturels, un choix réfléchi des espèces et la variété des cultures permettent d’assurer la protection des productions. Privés d’engrais de synthèse, la fertilisation des sols est encouragée par la rotation longues des cultures.((https://www.produire-bio.fr/cest-quoi-la-bio/le-cahier-des-charges/culture/)) Si besoin, certains engrais ou amendements peuvent être utilisés. Ils doivent alors être référencés dans une liste établit à l’échelle européenne. Ces intrants sont par ailleurs en très grande majorité d’origine naturelle.
Concernant les productions animales, les densités sont limitées. De plus, l’accès au plein air et aux pâturages est obligatoire pour les animaux (sauf pendant certaines périodes sensibles). Les reproductions naturelles sont encouragés même si l’insémination artificielle est tolérée. L’alimentation des animaux doit être d’origine biologique, produite le plus localement possible et adaptée aux besoins de l’animal. Les soins apportés aux animaux sont autant que possible issus d’une médecine douce (homéopathie et phytothérapie). Enfin, la vaccination des animaux demeure possible.((https://www.produire-bio.fr/cest-quoi-la-bio/le-cahier-des-charges/elevage/))
Le logo européen agriculture biologique
Le logo européen « agriculture biologique » garantit au moins 95% d’ingrédients issus de production(s) biologique(s).
Ce label européen est pour autant controversé pour son exigence, autorisant notamment des pesticides lorsqu’il n’existe pas d’équivalent et une teneur maximum de 0,9% en OGM.
Le label français Agriculture Biologique (AB)
Le label Agriculture Biologique est réservé à l’alimentation et garantit un mode de culture selon les règles de l’agriculture bio (ni engrais, ni pesticides de synthèse). Cependant un seuil de présence d’OGM est toléré jusqu’à 0,9%. Le label AB garantit des cultures respectueuses des équilibres naturels, de l’environnement et du bien-être animal. Il assure que l’aliment produit est composé d’au moins 95% d’ingrédients issus d’un mode de production bio. Souvent associé au label européen, le logo AB s’effacera petit à petit devant le logo européen. Cet alignement explique d’ailleurs la création du label Bio Cohérence plus exigeant que le label européen.
Le label Bio Cohérence
Bio Cohérence est plus strict que le label AB. Ce label français garantit au consommateur que le producteur respecte, en plus des normes européennes, des règles supplémentaires. Le produit ne contient strictement aucun OGM. La ferme de provenance du produit doit être 100% bio dans tous les secteurs de production. L’alimentation animale est 100% bio, et provenant en grande majorité de la ferme d’origine. Ainsi, le produit fini sera composé d’ingrédients 100% bio (contre 95% pour les labels européen et AB). Ce label limite le recours aux antibiotiques et antiparasitaires dans la production agronomique et bovine.
Le label Nature et Progrès
Le label Nature et Progrès est plus strict que le label AB. La charte Nature et Progrès publiée en 1964 défend les enjeux sociaux, économiques et environnementaux (protection de l’environnement, éco-construction, gestion de l’énergie et des déchets, transport…). Le respect des animaux fait partie intégrante du label (écornage, taille des crocs et coupe des queues interdits). L’espace alloué par animal est cinq fois plus grand que dans le label européen. Le label Nature et Progrès met également en avant les élevages de petite taille et à proximité du lieu de distribution. Les matériaux utilisés pour la construction de la ferme sont également un critère dans l’attribution du label. Un label cohérent et engagé selon des critères précis.
Le label Demeter
Le label Demeter certifie que les produits sont issus de l’agriculture bio-dynamique. Ce modèle agricole intègre notamment les exigences d’une agriculture BIO mais les rattachent à d’autres valeurs. Très attachée à la terre, la bio-dynamie utilise notamment des préparations à base de matières animales, végétales ou minérales pour (re)valoriser la terre et les plantes. La biodynamie est souvent critiquée pour ses dimensions ritualistes et spirituelles lui apportant le nom de « pseudo-science ». C’est un modèle agricole très favorable au climat avec 61% d’émissions de GES en moins qu’un modèle conventionnel.((https://www.fibl.org/fileadmin/documents/fr/rapport-activite/report-d-activite2018.pdf))
Le label BIO Équitable en France
Le label BIO ÉQUITABLE EN FRANCE défend l’agriculture biologique et le commerce équitable. Il est créé en mai 2020 par des producteurs désireux de défendre un modèle d’agriculture paysanne, écologique et durable (l’agro-écologie). Ce label répond à un cahier des charges strict tant sur le plan social que sur le plan environnemental. Un modèle essentiel pour associer écologie et éthique présent sur de nombreuses marques.
Les différents labels de l’agriculture biologique sont plus ou moins exigeants. De plus, ils s’attachent parfois à des valeurs différentes. Le label européen est controversé pour son manque d’engagement. Le label AB reste fiable et révélateur d’engagements environnementaux mais qui manquent parfois de cohérence. De ce fait, il témoigne aujourd’hui de limites qui doivent encourager le développement d’autres labels. Ces derniers devront être porteurs de valeurs environnementales plus fortes, de valeurs humaines et d’un modèle éthique irréprochable.
La question de l’obtention d’un label certifiant l’agriculture reste controversée. Elle pose des questions économiques évidentes car elle implique des frais de contrôle aux agriculteurs. De plus, l’achat de produits certifiés BIO est souvent synonyme d’un coût supplémentaire pour le consommateur. Un dernier point à nuancer toutefois au regard des produits concernés comme en témoigne cette étude. Cette différence de prix est d’ailleurs à relativiser. En effet, le prix d’un produit agricole dépend fortement de la marge appliquée par le distributeur. Cette dernière pouvant s’étendre de 13 à 27% du prix du produit.((https://www.insee.fr/fr/statistiques/1304045)) Afin d’éviter une marge trop importante, il est essentiel de se fournir directement auprès du producteur.
Agriculture bio, action individuelle, limites et modèle alimentaire
Notre alimentation est une source très importante de nos impacts environnementaux. En effet, l’alimentation représente près de 31,6% des émissions de GES françaises.((https://jancovici.com/changement-climatique/les-ges-et-nous/combien-de-gaz-a-effet-de-serre-dans-notre-assiette/))
De par sa dépendance à l’agriculture, notre alimentation est un des plus gros leviers d’action pour réduire notre impact environnemental. L’adoption d’un régime végétarien permet ainsi à lui seul de réduire de 10% notre empreinte carbone.((http://www.carbone4.com/wp-content/uploads/2019/06/Publication-Carbone-4-Faire-sa-part-pouvoir-responsabilite-climat.pdf)) Cela sans considérer les bénéfices liés à l’occupation des terres ou à certaines valeurs comme la protection de la biodiversité.
Agriculture BIO, action individuelle et limites
La modification de notre alimentation en faveur de produits biologiques peut permettre de réduire notre impact environnemental. Elle permet en effet de diminuer notre part (indirecte) d’émission de GES((https://www.fibl.org/fileadmin/documents/fr/rapport-activite/report-d-activite2018.pdf)).
Pour autant, l’agriculture BIO implique une perte de 8 à 25% de rendement((https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/le-bio-peut-il-nourrir-le-monde_17672)). Parallèlement, elle nécessite de 30 à 40% de temps supplémentaire((https://www.agrireseau.net/blogue/94395/ai-je-le-temps-pour-du-bio)). Une agriculture BIO implique alors plus d’occupation des terres qu’une agriculture conventionnelle. Un aspect pouvant possiblement entraîner une déforestation et ces impacts sur la biodiversité.((https://www.nature.com/articles/s41467-017-01410-w.pdf)) De ce fait, la consommation de produits biologiques ne peut permettre à elle seule de réduire notre impact environnemental.
Modèles d’agriculture et modèle alimentaire
Ainsi, la question des modes de production (comme l’agriculture BIO) doit être associée à celles de nos régimes alimentaires, et d’une protection de l’humain et des terres. Ces dimensions sont essentielles à intégrer à notre réflexion afin d’associer écologie et éthique. S’il reste complexe d’envisager une agriculture 100% BIO pour la planète, il est évident qu’elle n’est pas envisageable sans une modification profonde de notre modèle alimentaire et de sa répartition mondiale.
Ce nouveau modèle alimentaire « impliquerait un changement de régime alimentaire, avec une consommation moindre de produits animaux »((http://www.cnrs.fr/fr/une-agriculture-biologique-pour-nourrir-leurope-en-2050)). Cette première étape permettrait en outre de limiter l’élevage hors sol et de supprimer les importations d’aliments pour le bétail. Un second levier serait « l’application des principes de l’agro-écologie, avec la généralisation de rotations de cultures longues et diversifiées intégrant des légumineuses fixatrices d’azote« ((http://www.cnrs.fr/fr/une-agriculture-biologique-pour-nourrir-leurope-en-2050)). Cet évolution permettrait de se passer des engrais azotés de synthèse comme des pesticides. Enfin, « le dernier levier consisterait à rapprocher culture et élevage, souvent déconnectés et concentrés dans des régions ultra-spécialisées, pour un recyclage optimal des déjections animales. »1
Agriculture bio, producteurs et choix de consommation
Il est aujourd’hui facile de consommer des produits issus d’une agriculture biologique. Cependant, il n’est pas toujours évident de les choisir parmi les producteurs BIO. Comment choisir entre deux producteurs ? A quel(s) revendeur(s) faire confiance ? Comment éviter des marges trop importantes de la part des revendeurs ?
A cela deux réponses plutôt simples. La première est de se renseigner sur les modes de production de nos aliments en exigeant de la transparence. Les labels BIO nous renseignent sur les modes de production. Certains revendeurs garantissent aussi cette transparence sur la provenance des produits. L’idéal étant de réaliser ses achats directement auprès d’un producteur qui peut nous renseigner sur les méthodes de production.
En Loire-Atlantique et même dans toute la France, de nombreux producteurs s’engagent en faveur d’une agriculture biologique cohérente et forte en valeurs. Il serait fastidieux de tous les détailler ici, en voici donc deux.
La ferme du Soleil certifiée Bio Cohérence
Située à Orvault, la ferme du Soleil s’organise au sein d’un Groupement Agricole d’Exploitation en Commun (GAEC). Elle y développe une production de légumes et fruits certifiés Bio Cohérence pour une agriculture forte en valeurs ! La ferme distribue ses produits auprès de différents partenaires, notamment Ô Bocal à Nantes, les spécialistes du zéro déchet. Mais aussi en vente directe, au marché de Talensac le mercredi, ou en AMAP sur Orvault / Sautron.
Mais j’habite pas à Orvault moi !!! 😭 Pas de problème ! Pour trouver des produits certifiés Bio Cohérence au plus près de chez vous, rendez-vous sur l’annuaire Bio Cohérence juste ici.
Le potager de Saint-Julien pour une agriculture bio et solidaire
Situé à Saint-Julien-de-Concelles, le potager de Saint-Julien propose une agriculture certifiée BIO (label AB) doublée d’un projet de réinsertion professionnelle. En partenariat avec les Apprentis d’Auteuil, cet espace agricole accompagne de jeunes adultes dans des projets professionnels liés au maraîchage biologique et à l’entretien des espaces verts. L’objectif du projet est d’accompagner les salariés en leur proposant des formations, des partenariats avec des entreprises, un accompagnement pour les entretiens professionnels, etc.
Le potager de Saint-Julien propose des paniers à récupérer sur place à Saint-Julien-de-Concelles mais aussi à Bouguenais. Vous trouverez aussi certains produits au Biocoop Nantes Cité des congrès ou dans certains points de retrais de La ruche qui dit oui.
Il existe, sans aucun doute, de nombreuses autres productions biologiques et toutes aussi louables en Loire-Atlantique. Renseignons-nous sur les conditions de production des aliments que nous consommons. N’oublions pas que le label BIO ne suffit à lui seul à garantir un bénéfice environnemental. Il faut, en effet, l’accompagner de valeurs fortes ! Enfin, gardons à l’esprit que consommer BIO c’est bien, mais que c’est loin d’être une démarche suffisante pour réduire notre impact environnemental lié à l’alimentation.
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Merci Quentin, cet article est instructif.
Je retiens notamment ce qu’implique chaque label, ainsi que l’annuaire « bio cohérence ».
Selon moi, c’est le genre d’outils pratiques qu’il faut mettre à disposition pour que chacun puisse faire évoluer ses pratiques.
Je suis preneur d’astuces de ce genre ! 🙂
Vivement le prochain article.
Bonjour Mathieu !
Merci beaucoup pour votre retour très positif ! Je suis content que cet article vous plaise !
J’essaye autant que possible d’intégrer à mes articles des éventuelles « solutions » pour faire avancer les choses ou au moins montrer des modèles plus vertueux qui existent. Ce n’est par contre pas toujours évident !
Merci pour votre suivi, n’hésitez pas à partager ce blog autour de vous si il vous plaît 😉 Difficile d’avoir de la visibilité sans pub payante…
À bientôt pour le prochain article…